« La destruction de l’Etat islamique passe par une intervention aérienne amplifiée et durable en Syrie. »
14 POUR
1 CONTRE
3 NON PARTICIPATION AU VOTE
Barbara Pompili a exprimé le soutien très majoritaire des député-e-s du groupe écologiste à la prolongation de l’intervention française en Syrie, pour riposter aux attentats
et assumer l’objectif de détruire l’Etat islamique.
Au-delà de ce vote, constitutionnellement indispensable, la coprésidente du groupe appelle à la clarification de la stratégie et de la composition de la coalition internationale et
formule des propositions pour combattre à la racine les tensions ethniques et territoriales sur lesquelles prolifère l’idéologie de Daesh.
» Chacun conçoit bien que la question de la prolongation de l’engagement des forces aériennes françaises au-dessus du territoire syrien, sur laquelle nous nous prononcerons tout à l’heure, prend un sens particulier.
Elle se pose à la lumière des évènements tragiques que nous avons vécus ces deux dernières semaines et qui, qu’on le veuille ou non, ont changé la donne.
La France est en guerre du point de vue du droit international, et notamment de l’article 51 de la charte des Nations Unies qui dispose qu’un Etat peut recourir à la légitime défense – et donc entrer en guerre – dès lors qu’il fait l’objet d’une agression armée.
La France est en guerre, parce que les attaques perpétrées à Paris et à Saint-Denis, parce que les projets avortés grâce à l’action de nos forces de sécurité intérieure constituent des actes de guerre, préparés, coordonnés, et revendiqués par une armée terroriste qui tente de prendre la forme d’un État.
La France est en guerre, parce que nous sommes engagés diplomatiquement et militairement dans une lutte durable contre le terrorisme, que ce soit au Mali, au Sahel ou encore au Moyen-Orient.
Cette guerre est singulière. C’est une guerre menée au nom d’une foi dévoyée, qui ne reconnaît ni nos lois, ni le droit international. C’est une guerre qui nous a été déclarée par un adversaire qui cherche à conquérir par la force toutes les apparences et toutes les prérogatives d’un Etat, mais qui refuse toutes les responsabilités qui sont celles d’un Etat sur la scène internationale.
Oui, cette guerre nouvelle échappe au modèle de la guerre codifiée issue du Droit international. Un droit, faut-il le rappeler, né précisément en terre babylonienne, il y a 4.000 ans de cela. En ce sens, tout se tient, et les destructions de trésors archéologiques ne sont pas le fruit du hasard : elles traduisent une volonté de destruction de l’idée même de civilisation. Les combattants qui la servent se nourrissent d’une idéologie singulière, qui fait de l’apocalypse tout à la fois son moteur et son but.
Cette guerre d’un type nouveau se caractérise par une continuité des menaces intérieure et extérieure. Notre réponse doit donc, elle aussi, être intérieure et extérieure.
Nous avons adopté, la semaine dernière, plusieurs mesures visant à renforcer la sécurité des Français.
Le débat d’aujourd’hui doit nous permettre de préciser le sens, les objectifs et les contours de notre action militaire en Irak et en Syrie.
De part et d’autre de la frontière entre ces deux pays, l’autoproclamé État islamique administre aujourd’hui, après l’avoir conquis par la force, en dehors de tout cadre international, un territoire aussi vaste que la Belgique. Il y prélève l’impôt, y gère les services publics. Il y organise un commerce qui échappe lui aussi à toute règle, et lui permet de financer ses actions criminelles. Il y développe des postes de commandement, y stocke des armes, y organise des centres d’entraînement. Il y accueille des combattants volontaires recrutés partout dans le monde – et en partie chez nous – qu’il embrigade et forme à la lutte armée et au crime.
Personne ne peut croire que nous parviendrons à circonscrire son pouvoir de nuisance en adoptant une stratégie de cordon sanitaire, visant à confiner les terroristes chez eux et à nous barricader chez nous.
La nature de la menace, la forme qu’elle a prise au cours des derniers mois, l’absence totale de possibilité de négocier ne laissent pas de choix sur l’objectif qui doit être le nôtre et celui de la communauté internationale : parvenir à détruire cet embryon d’Etat.
Et à l’heure où nous parlons, il ne fait guère de doute que la destruction de l’Etat islamique passe par une intervention militaire d’envergure et durable en Irak et en Syrie.
Par ailleurs, l’attaque terroriste du 13 novembre dernier est la plus meurtrière jamais perpétrée sur notre territoire depuis la Seconde Guerre mondiale. Laisser ce crime odieux impuni, ne le traiter que comme une entreprise criminelle sans en prendre en compte le caractère éminemment politique, ce serait envoyer un signal dramatique d’impunité aux terroristes de Daesh : ce qui nous est demandé aujourd’hui, nous en avons conscience, ce n’est pas simplement de ne pas nous opposer à une réplique inéluctable, c’est de soutenir une riposte d’envergure.
Depuis le mois d’aout 2014, la coalition internationale intervient militairement, notamment avec des moyens aériens, en Irak et en Syrie.
Ces frappes, qui viennent compléter l’action des combattants irakiens et syriens au sol, ont permis de stopper la dynamique de conquête territoriale de l’EI mais non de la refouler ni de l’affaiblir durablement.
Et pour cause, depuis quatorze mois, ni les membres de la coalition, ni les puissances régionales, ni les relais au sol ne parviennent à s’accorder sur une vision et une stratégie commune.
C’est pourtant la priorité.
Car en l’absence de stratégie commune, la question des moyens est subsidiaire, et l’action militaire ne peut être que dispersée et inefficace.
Il n’y aura pas de stratégie militaire efficace contre Daesh sans consensus politique international. Et de la même manière que nous soutenons l’action militaire de la France, nous soutenons son action diplomatique qui vise à créer ce que le Président de la République a nommé « une grande et unique coalition ».
Cet objectif est aujourd’hui loin d’être atteint, et les rencontres du président avec le Premier ministre britannique David Cameron, le président américain Barack Obama, le président russe Vladimir Poutine mais aussi les principaux chefs d’Etats et de gouvernements européens doivent avoir pour buts non seulement de coordonner les actions des forces sur le terrain, mais également de faire entrer dans l’action tous ceux qui en ont la capacité et la volonté.
Une coalition unique, ce sont des engagements aériens supplémentaires, ce sont des soutiens navals de nouveaux acteurs, c’est une aide renforcée et sans arrière-pensée aux combattants engagés sur le terrain – armée irakienne et combattants kurdes – c’est un partage du renseignement effectif.
Une coalition unique, c’est une coopération européenne renforcée : cela passe par des soutiens indirects – et je tiens à saluer ici la décision d’Angela Merkel de soumettre au Bundestag l’envoi de troupes allemandes sur les théâtres d’opération africains, ce qui permettra de soulager l’armée française et donc de mieux nous concentrer sur les enjeux de sécurité intérieure et extérieure liés au péril djihadiste.
La coopération européenne renforcée, c’est aussi la capacité à partager les coûts de la guerre, car ces combats que nous menons, nous les menons aussi afin de protéger l’Europe de la menace.
Une coalition unique, c’est enfin une vision géopolitique concertée : la mobilisation sans précédent qui se dessine doit permettre de s’accorder sur une feuille de route politique, sur les évolutions de l’intervention militaire, et sur la question cruciale de l’après Bachar el-Assad.
Car si l’ennemi de la France en Syrie c’est l’Etat islamique, l’avenir durable de la Syrie ne saurait s’incarner dans un régime et un dirigeant qui a gazé son peuple, créé le chaos dans son pays, et piétiné les principes élémentaires du droit international.
Et pour ce qui est de l’évolution des opérations militaires, chacun a bien conscience que la nécessaire action au sol n’aura d’efficacité et de légitimité que si elle est menée principalement par les acteurs locaux : cela suppose que toutes les parties de la coalition, y compris la Turquie, acceptent que soit reconnu, respecté et soutenu matériellement et militairement le rôle des combattants kurdes.
Lors de nos trois précédents débats parlementaires sur l’action militaire de la France au Moyen-Orient, les écologistes ont défendu, par la voix de mon collègue François de Rugy, l’idée d’une grande conférence internationale qui traiterait en priorité de la question des minorités au Moyen-Orient.
Cette question est plus que jamais au cœur des solutions, car dans cette région du monde, problématiques sécuritaires et communautaires sont enchevêtrées.
C’est du chaos qui règne entre populations sunnites, chiites, kurdes, chrétiennes, yézidies, et sabéennes – un chaos qu’ils entretiennent et exacerbent– que se repaissent les fondamentalistes.
Poser la question de la juste représentation de ces populations dans les institutions nationales, traiter les questions territoriales, nous interroger sur de nouveaux modèles d’administration respectueux des droits des minorités, et je pense notamment aux Kurdes, c’est créer les conditions d’un apaisement entre les peuples, ce sera priver l’Etat islamique de son apparence de légitimité auprès de ses soutiens.
Cette conférence internationale permettrait, en outre, de placer un certain nombre de pays devant leurs responsabilités. Et je veux ici rappeler que depuis 14 mois, nous en appelons à une clarification de la position certains partenaires.
Je pense bien entendu à la Turquie, qui laisse se dérouler sous ses yeux la contrebande d’hydrocarbures qui finance Daesh, qui fait preuve d’un laxisme certain vis-à-vis des combattants européens qui transitent sur son sol, et qui gère l’afflux des migrants en fonction de ses objectifs intérieurs et de la question kurde.
Mais je pense également aux pays du Golfe, qui doivent impérativement dissiper toutes les suspicions sur la question du financement de l’Etat islamique.
Voilà, monsieur le Premier ministre, les principes qui forgent aujourd’hui l’engagement des écologistes:
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Un soutien très majoritaire à la prolongation de l’intervention pour riposter aux attentats et assumer
l’objectif de détruire l’Etat islamique.
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Un soutien au mode d’intervention retenu – des frappes aériennes, y compris dans la doctrine exposée ce
matin en commission de la défense qui refuse les destructions massives d’installations pétrolières susceptibles de provoquer des dégâts écologiques irréversibles,
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Une analyse claire sur la stratégie de la coalition internationale et les contours de la transition
politique.
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Et des propositions, pour combattre à la racine les tensions ethniques et territoriales sur lesquelles
prolifèrent les idéologies de Daesh.
Je vous remercie »
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