IMMIGRATION PROFESSIONNELLE ET ÉTUDIANTE : « ENCORE DES SITUATIONS À ÉCLAIRCIR ET DES MESURES À SIMPLIFIER »
C’est en somme ce que Sergio Coronado a appelé de ses vœux pour améliorer l’attractivité de la France dans le monde : une politique d’immigration plus cohérente et des relations avec les citoyens étrangers simplifiées, dématérialisées et humaines. Concernant les étudiants étrangers, au nom des députés écologistes, Sergio Coronado rappelle son attachement à un système éducatif universel restant financièrement accessible.
La précarité administrative et sociale des étudiants étrangers demeure une question incontournable. Les jeunes chercheurs étrangers sont également confrontés à de trop nombreux obstacles administratifs.
Nous devons aussi résoudre le problème de changement de statut pour ceux qui, d’étudiants, deviennent salariés. En rendant trop difficile l’établissement et l’activité sur le territoire français, nous finissons par tomber du podium des pays accueillant les meilleurs étudiants.
Les dispositions régissant l’immigration professionnelle sont elles aussi marquées par une très profonde incohérence. Enfin, la régularisation des sans-papiers, notamment étudiants, doit être effectuée afin d’assurer au plus grand nombre le respect de leurs droits et libertés fondamentales.
Sergio Coronado :
Je me réjouis, comme d’autres avant moi, que nous puissions débattre dans l’hémicycle d’un thème comme l’immigration professionnelle.
Les débats sans vote qui se tiennent au Parlement permettent en effet à la représentation nationale d’approfondir des sujets qui sont cruciaux pour l’avenir de la France. C’est en soi un signe que le climat a changé dans le pays ; mais cela ne signifie pas pour autant, vous le savez, monsieur le ministre, que la politique d’immigration ne fait plus débat.
La discussion d’aujourd’hui annonce la grande réforme promise de la politique migratoire, en rupture avec la politique passée. Lorsque les élus de l’actuelle majorité était dans l’opposition, ils n’avaient cessé de dénoncer une politique peu respectueuse des droits humains et qui plus est inefficace quant aux objectifs affichés.
Des changements ont eu lieu, concernant le délit de solidarité ou la retenue pour vérification du droit au séjour, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre ; mais il reste encore bien des situations à éclaircir et bien des mesures à simplifier.
À l’instar de ma collègue Mazetier, il me semble nécessaire de ne pas dissocier la question de l’immigration professionnelle, et notamment la question de l’immigration étudiante, de la politique migratoire dans son ensemble et plus largement de notre politique étrangère dans son volet développement et son volet culturel.
Concernant l’immigration étudiante, je m’étonne qu’il existe en France une forme d’incohérence entre des déclarations visant à attirer les meilleurs étudiants étrangers et la réalité rencontrée par les étudiants attirés par le système de formation français. La précarité administrative et sociale des étudiants étrangers demeure une question incontournable.
L’accueil dans les consulats et ensuite dans nos préfectures a parfois de quoi refroidir. Dans cet esprit, avancer sur la voie de la dématérialisation et de la simplification des procédures est nécessaire, avec une prise de rendez-vous par internet et des dossiers téléchargeables en ligne. Nous devons également établir, comme pour d’autres visas, une obligation de justification des motifs de refus.
L’accueil au sein de Campus France, dont les missions sont pourtant essentielles, demeure problématique. Cet organisme, qui a pour mission d’informer et d’attirer les étrangers désireux d’étudier en France, est sans cadre fixe et, selon les mots même de l’ancien président démissionnaire, relève parfois d’une « gestion boutiquière ».
À une gestion approximative et très largement perfectible dans le recrutement et l’accueil des étudiants étrangers, il faut aussi rappeler la politique dissuasive de l’ancien gouvernement – je fais ici référence à la circulaire Guéant – pour comprendre sans doute la baisse du nombre d’étudiants étrangers en France en 2012, dans un contexte d’augmentation exponentielle des échanges universitaires dans le monde.
Les jeunes chercheurs étrangers sont également confrontés à de trop nombreux obstacles administratifs, bien qu’ils constituent, vous l’avez rappelé, madame la ministre, plus de 40 % de nos doctorants. Cette proportion fait d’ailleurs notre fierté.
Nous devons ouvrir le chantier de l’accès des chercheurs étrangers au droit commun : ainsi, un sur cinq ne dispose pas de carte Vitale. Plutôt que de soumettre ces jeunes chercheurs aux arrangements et accords divers passés entre leurs établissements d’origine et les nôtres, il faut généraliser la carte de séjour « scientifique chercheur » et aligner la durée de ce titre de séjour sur celle des droits acquis par la cotisation.
L’abrogation de la circulaire Guéant, intervenue le 31 mai 2012, était essentielle et urgente, et son abrogation par le Gouvernement a envoyé un signal important à celles et à ceux qui souhaitent choisir la France pour leur formation.
Les annonces du ministre en charge de l’immigration concernant les titres de séjour pluriannuels pour les étudiants, indexés sur la durée de leurs études, sont aussi une bonne nouvelle. Ces dispositions devront également concerner les étudiants de premier cycle, notamment ceux qui ont bénéficié de notre réseau d’enseignement français à l’étranger. Les propositions en ce sens de ma collègue sénatrice Dominique Gillot méritent d’être étudiées et approfondies.
Les écologistes souhaitent également rappeler leur attachement à un système éducatif universel restant financièrement accessible.
Je voudrais également tirer la sonnette d’alarme à propos des pays en crise, notamment sur la Syrie et ses étudiants, dont certains n’ont plus accès à aucune ressource : devenus des réfugiés politiques, ils se voient privés de bourses étudiantes.
Nombre d’entre vous ont abordé la nécessité pour la France d’attirer des étudiants des pays émergents, les fameux « BRICS » – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud. Cette préoccupation est partagée ; elle est compréhensible dans un monde où la compétition internationale fait rage, où la mobilité étudiante est devenue une réalité.
Nous devons toutefois veiller à ce que l’accès aux universités françaises soit également possible pour les étudiants de la francophonie, notamment ceux du Maghreb ou d’Afrique subsaharienne.
Les grandes universités s’y développent, mais le cœur de la formation et de la recherche se situe encore chez nous. Agir pour plus de coopération en matière universitaire et pour un accueil particulier de ces étudiants doit être au cœur de nos réflexions.
Enfin, si nous souhaitons être cohérents dans notre action, il nous faut absolument résoudre le problème de changement de statut pour ceux qui, d’étudiants, deviennent salariés. En rendant trop difficile l’établissement et l’activité sur le territoire français, nous finissons logiquement par tomber du podium des pays accueillant les meilleurs étudiants.
Quant à l’immigration professionnelle, elle ne concerne qu’une minorité de la population des migrants dans notre pays : 17 000 personnes tout au plus. Pourtant, l’objectif de 1’immigration choisie était bien d’attirer une immigration professionnelle, fortement qualifiée ou visant à pallier les manques de notre marché du travail.
Les dispositions régissant l’immigration professionnelle sont elles aussi marquées par une très profonde incohérence : liste nationale de trente emplois, listes régionales, neuf listes établies dans le cadre des accords de gestion des flux migratoires, accords bilatéraux, non-intégration des travailleurs bulgares et roumains, etc.
Les difficultés et complications sont telles que déchiffrer notre système relève de l’exploit. Les diverses listes mises en place depuis une dizaine d’années ne correspondent d’ailleurs, selon les dires mêmes des fonctionnaires du ministère, à aucune réalité de terrain, ni ici, ni dans les pays d’émigration.
Nous demandons un travail de clarification des différents types de titres de séjour et une réduction de leur nombre. Les titres « salarié », « commerçant », « travailleur indépendant », « compétences » et « talents » peuvent être rassemblés en un seul et même titre, d’une durée de dix ans renouvelable.
De la même manière, il ne doit plus exister qu’une seule liste des métiers en tension, avec d’éventuelles modulations sur le territoire, mais pas de modulation en fonction de l’origine des migrants.
La simplification, la dématérialisation, l’humanisation évoquées ci-dessus doivent se retrouver dans chaque aspect de la relation que la France entretient avec des citoyens étrangers. La régularisation des sans-papiers, notamment étudiants, doit être effectuée afin d’assurer au plus grand nombre le respect de leurs droits et libertés fondamentales. La circulaire dite de « régularisation » du 28 novembre 2012 est de ce point de vue encore insuffisante.
Quant au rayonnement de notre pays à l’étranger, notre relation avec les élites de demain ne dépend pas seulement de notre capacité à les accueillir sur notre sol, mais également de notre capacité à établir des relations durables avec elles hors de nos frontières.
Notre politique d’attractivité ne peut laisser de côté ni même s’opposer à notre politique de développement et de solidarité internationale. Des instituts de recherche, tels que l’Institut de recherche et de développement, jouent un très grand rôle pour véhiculer notre savoir et nos connaissances, tout en établissant des échanges fructueux avec les chercheurs d’autres pays.
Ainsi, l’Institut de recherche et de développement organise des recherches dirigées par un directeur du Nord et un directeur du Sud, participant ainsi aux échanges universitaires entre les continents.
Les recherches sont effectuées dans le pays d’origine, avec déplacements en France pour discussions et conférences. En contact permanent avec le monde de la recherche de leur pays, ces étudiants sont ainsi plus facilement recrutés : plus de 90 % des étudiants ainsi formés restent ou retournent dans leur pays, et participent non seulement au renforcement du monde académique universitaire de leur pays d’origine, mais également au rayonnement de la France. Nous sommes loin de la politique de captation de cerveaux du Sud par les pays du Nord.
C’est ce type d’échanges, solides et de long terme, que nous devons chercher à instaurer.
Voilà, chers collègues, quelques pistes que nous devons approfondir pour que notre pays conserve et renforce son rayonnement culturel et scientifique dans le monde.
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