Projet de loi NOTRE : « nous jugerons à la fin des débats »

Chef de file des député-e-s écologistes sur le projet de loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République, Paul Molac expose son état d’esprit alors que l’Assemblée s’apprête à entamer le marathon (deux semaines) en séance. 

Nouvelles compétences des collectivités, évolution du rôle des départements, articulations entre intercommunalités et régions, prise en compte des spécificités locales… Tour d’horizon des sujets qui rassemblent ou qui divisent au sein de la majorité.

Voici le troisième texte sur l’organisation territoriale de la République qui arrive à l’ordre du jour depuis 2012. Que retenez-vous principalement de ce projet de loi ?

C’est un texte qui se veut « de clarification », mais qui demeure très technique, pour ne pas dire parfois technocratique, et surtout ce n’est pas un texte de décentralisation. De ce point de vue, ceux qui, comme nous, attendaient le « troisième acte de la décentralisation » annoncé ne peuvent que se montrer déçus. Car si le texte tente de répondre à la question « qui fait quoi ? »- tant bien que mal, car il évolue beaucoup- il ne prévoit pas de nouveaux transferts de compétences entre l’Etat et les régions, et cela nous le regrettons. Il ne prévoit pas non plus de réel pouvoir réglementaire pour les régions, et l’opposabilité des schémas régionaux relatifs à l’économie et au développement durable aux autres collectivités est toute relative.


 Que proposiez-vous ?


Nous militons pour une décentralisation pragmatique. Le premier acte, celui accompli par Gaston Defferre et Pierre Mauroy, fut celui de la démocratie : élection des conseils régionaux, responsabilisation et autonomie de gestion des collectivités… C’est un moment charnière dans l’histoire de notre République jacobine, car cela a permis de réellement libérer des énergies locales et jeté les bases d’une démocratie au plus près des citoyens.

Le deuxième acte fut celui de transferts de blocs de compétences, de personnels, vers les régions et les départements notamment, sans d’ailleurs que les recettes aient été réellement entièrement compensées par l’Etat. 

Le troisième acte que nous attendions était celui d’une décentralisation « différenciée », en articulant l’action publique locale autour d’un couple régions / intercommunalités renforcé, et en permettant aux collectivités d’adapter la loi de manière réglementaire, en fonction des réalités locales. Nous sommes encore loin du compte, de ce point de vue. 


Pourquoi ?


Le projet de loi ne donne aux régions que la possibilité de faire une demande au Parlement et au Gouvernement d’une adaptation de la loi, à laquelle ils ne sont pas obligés de répondre positivement. Au contraire, ce dispositif est calqué sur celui de la Collectivité territoriale de Corse, qui sur près d’une cinquantaine de demandes, n’a obtenu que des réponses négatives, quand ce n’était pas une absence de réponse tout court. 

Or, selon nous il est nécessaire d’avoir un véritable pouvoir règlementaire pour les Régions qui le souhaiteraient dans des domaines bien identifiés, ce qui est à notre sens la voie la plus adaptée, car les réalités locales font que les capacités ou les besoins varient d’un territoire à l’autre. Le verrou de l’Etat demeure tellement fort qu’il y a peu de chances que cela se traduisent dans la réalité. Le jacobinisme résiste alors que les volontés locales d’avancer sont fortes.

Surtout, nous regrettons, qu’avec le premier texte de réforme territoriale, la loi MAPTAM, il y avait une confiance laissée à l’intelligence territoriale, ou les représentants de chaque collectivité étaient amenés à se retrouver ensemble autour d’une table, la Conférence territoriale de l’action publique, pour discuter d’une articulation intelligente des compétences. Désormais, dans ce projet de loi, cela leur est imposé d’en haut, puisque avec la suppression de la clause de compétence générale pour les départements et les régions, c’est la loi, donc l’Etat, qui décide qui fait quoi. Nous sommes donc très loin d’un processus de décentralisation-différenciation.


Mais il y a pourtant des clarifications de compétences dans ce texte, non ?


Avec la suppression de la clause de compétence générale pour les départements et les régions, ces deux blocs locaux devront effectivement se concentrer sur leurs compétences obligatoires respectives. Toutefois, avec le maintien de compétences partagées (culture, tourisme, sport, langues régionales, vie associative, jeunesse et éducation populaire), les capacités d’intervention de toutes les collectivités dans ces domaines seront préservées.

Nous estimons par ailleurs que la suppression de cette clause de compétence générale pour les Régions est contreproductive si l’on se situe dans la logique de leur montée en puissance en tant qu’échelon stratégique. La région a selon nous vocation à s’occuper de tout sujet d’intérêt régional. Par exemple, en Bretagne, grâce à la clause de compétence générale, le Conseil régional a pu venir en aide à l’hôpital de Carhaix menacé de fermeture, soutenir des formations en kinésithérapie, acheter des équipements universitaires, financer la LGV Loire-Bretagne à hauteur de 600 millions d’euros, ou encore mettre en œuvre un plan algues vertes. Sera-t-il encore possible de le faire une fois la clause de compétence générale supprimée ?

Il conviendra encore de travailler à la clarification des compétences en ce qui concerne le développement économique et l’aménagement du territoire, deux compétences essentielles normalement exclusivement concédées à la région. En effet, la confusion règne dans ce domaine, puisque toutes les collectivités infra régionales pourront continuer à intervenir même si les Régions sont seules compétentes sur les aides directes aux entreprises. Surtout, les métropoles auront toujours leur mot à dire dans la conception et l’application de ces schémas, voire de mettre en œuvre leur propre régime. Cette compétition entre ces deux échelons, n’est pas sans poser problèmes en termes de perspectives de développement équilibré du territoire régional, au détriment des périphéries moins intégrées.


Quels sont les avancées que vous attendez du débat parlementaire ?


La question des ressources fiscales des régions est notamment un point essentiel, et sans attendre le budget 2016, nous esquissons déjà des pistes, avec des propositions qui permettraient une plus grande autonomie fiscale des régions, pour rattraper le retard avec les autres régions européenne, qui ont pour nombre d’entre elles des budgets dix fois plus importants que les régions françaises.

Nous pensons également que ce texte doit être l’occasion de faire progresser la démocratie locale et la transparence. Ne négligeons pas le risque de voir se développer des baronnies locales qui s’exonéreraient de règles de fonctionnement réellement démocratiques. Bon nombre des amendements que nous défendrons porteront là-dessus : suffrage universel direct pour les conseillers communautaires, droits de l’opposition dans les assemblées locales, transparence, non-cumul de mandats, droits de pétition citoyenne…

Et puis il y a la question écologique. Ce texte doit permettre de rationaliser et de faciliter la transition écologique en donnant aux collectivités locales les moyens d’une action plus cohérente, notamment au travers des différents schémas d’aménagement qui doivent comporter des objectifs environnementaux. Si chacun s’accorde à dire que c’est du terrain que se fera la transition écologique, ce texte doit traduire cette conviction !


Vous aviez voté contre le 2ème volet des lois « territoriales », celui consacré au redécoupage régional. Comment envisagez-vous votre vote sur cette loi NOTRE, qui en est le 3ème ?


Le redécoupage régional est une occasion ratée et une erreur de diagnostic : « c’est en faisant de grandes régions par la taille que nous ferons des régions puissantes ». Or, pour faire des régions puissantes,  il faut leur en donner les moyens réglementairement, financièrement et démocratiquement. C’est ce à quoi ce texte devrait répondre plus franchement selon nous.

Comme nous ne jouons jamais la politique du pire, nous travaillons d’arrache-pied pour améliorer le texte qui nous est soumis ici. Le texte qui sortira de l’examen en séance aboutira-t-il à un réel renforcement des régions, à plus de démocratie locale, à des perspectives d’autonomie fiscale des collectivités renforcées, à une meilleure articulation des actions des collectivités en matière d’environnement et de développement durable ?

C’est sur ces critères que nous le jugerons. 


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Commentaires : 1
  • #1

    ROULLE PATRICK (mardi, 03 mars 2015 08:48)

    Bonjour, Pouuvez m’apporter plus de détails sur la proposition (amendement) concernant la démocratie participative et plus particulièrement la place, le rôle et les moyens proposés aux conseils de développement ?
    Trugarez