Quels fainéant-e-s, ces député-e-s écologistes !

Curieux article que celui du Canard enchaîné du 6 février 2013. Signé d’un improbable « professeur Canardeau » – qui mélange au passage allègrement propositions et projets de lois – le papier entend examiner, sur la base d’une approche statistique et qualitative, la réalité du travail parlementaire des députés écolos.

 

Jusque-là, rien de choquant, bien au contraire : les écologistes ont assez exigé la transparence sur le travail effectif des parlementaires pour ne pas s’offusquer qu’on les mette à leur tour sur le grill de l’évaluation de l’action de leurs députés.

 

Mais si le principe est louable, les inexactitudes factuelles, les approximations juridiques et les comparaisons ineptes laissent pantois. 

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Les députés écolos, à 17, n’ont été capables de produire « que » 6 propositions de lois, dont 1 seule a abouti, assène l’auteur de l’article. Bel exemple de jugement à l’emporte-pièce : en fait, avec 6 propositions de lois pour 17 députés, les écologistes apparaissent bien plus « productifs » que leurs collègues du groupe socialiste par exemple, qui, fort de ses 295 membres, a déposé 13 propositions… Et pour ce qui est du taux d’adoption des textes, ce ne sont pas une mais bien trois propositions qui aboutissent, puisque mardi prochain, la dernière proposition examinée en séance jeudi dernier sera adoptée. Une proposition sur deux qui aboutit, c’est un résultat plus qu’honorable, quand on sait que la procédure parlementaire ne permet qu’une fois par an – et sur une seule journée – de voir discutés des textes à l’initiative du groupe écolo. Mais l’argument ne retient pas une seconde l’auteur de l’article, qui explique avec une candeur déconcertante que les propositions de lois ne sont pas faites pour être adoptées, mais uniquement dans une logique d’affichage, « pour faire plaisir aux électeurs ». Pas étonnant dès lors que soit opposé aux écologistes l’exemple édifiant de leurs collègues communistes qui, à quinze, ont déposé deux fois plus de propositions qu’eux – peu important leurs chances d’aboutir…

 

Pour clore sa démonstration, notre analyste politique ricane : la proposition de loi sur les lanceurs d’alerte ne vient pas des Verts de l’Assemblée …mais de leurs collègues du Sénat ! On a envie de murmurer avec lui « quels fainéants, ces députés écolos, qui se contentent de recopier le travail des sénateurs»… si  l’on ne réalisait pas immédiatement qu’il n’y aurait aucun sens à faire adopter un texte au Sénat s’il n’était pas ensuite examiné à l’Assemblée, l’assentiment des deux chambres étant indispensable à l’adoption du texte… Un texte d’ailleurs retravaillé en profondeur à l’Assemblée et qui nécessitera une nouvelle lecture au Sénat avant sa promulgation (eh oui, c’est contraignant, le parcours d’une loi !). 

 

Mais aux yeux de l’auteur de l’article, les écologistes ne sont pas seulement improductifs …ils ne sont tout simplement …pas écolos. A l’appui de sa puissante démonstration, le professeur Canardeau accuse : seules 37,5% des interpellations des députés écolos envers le gouvernement ont un rapport avec l’environnement ! 

Pas une seconde, notre statisticien n’envisage de calculer le pourcentage de questions environnementales posées par les députés des autres groupes politiques, petit exercice qui lui aurait permis de constater que les préoccupations environnementales sont bien, chez les écologistes, largement plus répandues que sur les autres bancs de l’Assemblée. Mais beaucoup n’est pas assez : eh bien oui, c’est bien connu, les écologistes, c’est l’environnement et rien d’autre, et c’est bien pour cela que leurs électeurs les ont envoyé à l’Assemblée : pour s’occuper d’environnement, et certainement pas de « social », d’ « enseignement » ou « d’immigration ». 

 

Le reste de l’argumentation est à l’avenant, alternant mauvaise foi et méconnaissance suspecte du fonctionnement du parlement. Mais comme les chiffres valent mieux que de longs discours, on se contentera – au risque de déroger à l’aversion bien connue des écologistes au productivisme – de publier ci-après les éléments publics diffusés par l’organisation non partisane regards citoyens, qui tient une comptabilité très serrée de l’activité des 577 députés.

 


Chacun pourra constater que, sur la présence à l’Assemblée, le travail en commission, l’examen des textes dans l’hémicycle, ou encore les amendements adoptés, les députés du groupe écologiste font honneur à leur mandat. On ne sait s’il s’agit de « cadences infernales » raillées par l’auteur de l’article, mais une chose est certaine : ce sont bien les plus fortes cadences de travail de l’ensemble des groupes de l’Assemblée…

 

Et alors que le professeur Canardeau se demande quel est « le bilan » des députés écolos, on envisagerait presque de citer la dernière réalisation en date : le vote, en commission des Finances, d’un amendement écolo qui contraindra les banques à rendre publiques leurs activités dans les paradis fiscaux. Et puis, soudain, on se ravise : ce n’est pas une thématique environnementale ! C’est vrai quoi, ces députés écolos, de quoi se mêlent-ils, et pour qui se prennent-elles et ils, à s’occuper de tout ce qui fait le quotidien de leurs concitoyens, à tenter de faire avancer les choses, à négocier, parfois dans la douleur, des compromis …alors qu’on attend d’eux qu’elles et ils déposent à la chaîne des propositions de loi exclusivement environnementales, sans se soucier de leurs chances d’aboutir ?

 

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Commentaires : 11
  • #1

    Olivier Bertrand (jeudi, 07 février 2013 17:20)

    Ce n’est hélas pas la première fois qu’en lisant le canard, je constate qu’il tire dans les coins (coins)…

  • #2

    Pierre Laulanné (jeudi, 07 février 2013 23:29)

    Bien d’accord avec toi. Quand on connait bien un sujet, on trouve souvent approximations, erreurs factuelles et méconnaissance dans certains articles du canard, quand ce n’est pas tendancieux ; comme s’il reprenait, sans recul, le topo d’une des parties d’une problématique donnée.
    Je trouve que ce qu’il réussit toujours c’est l’édito, les rubriques sur la justice et l’agro-alimentaire en page 3 et les dessins qui valent de longs discours…
    Je trouve la contre-argumentation un peu roborative…

  • #3

    Jean COLLON (vendredi, 08 février 2013 02:19)

    C’est en raison de ce genre systématiquement approximatif et grosse ficelle allusive, limite démagogie de comptoir que je n’achète pas le Canardeau et préfère le ton direct de Charlie !
    POL a raison : on aurait du répondre que le Canard a plonge dans la vase pour trouver ses petits vers, mais qu’il est encore un peu jeunot pour les repérer correctement !
    De toutes façons il n’y a pas de presse grand public écolo…dans 20 ans peut-être !……ZEN………

  • #4

    Emmanuel Grenier (vendredi, 08 février 2013 14:58)

    Cela fait longtemps que je ne lis plus dans le Canard que les articles signés. A mon sens, tout ce qui est anonyme ne relève pas du journalisme, mais plutôt du réglèment de compte.
    De façon générale, le Pr Canardeau fait du poujadisme environnemental.

  • #5

    Jef (vendredi, 08 février 2013 16:20)

    Et bien moi, je trouve que dans cet article, on apprend pas mal de choses :
    1) Le Canard enchaîné avait clairement envie de taper sur les députés écolos, mais n’a réussi à le faire qu’en étant de mauvaise foi.
    2) Les députés écolos bossent : ils interpellent le gouvernement, produisent rapports et avis, et sont bien présents dans les commissions.
    3) Les députés écolos, contrairement aux députés FdG, ne perdent pas leur temps à pondre des propositions de loi qui ne servent à rien.
    4) Les députés écolos ne s’intéressent pas uniquement aux question écologistes stricto-sensu.
    5) Les députés écolos travaillent en lien avec les sénateurs EELV.

  • #6

    Sergio (vendredi, 08 février 2013 17:30)

    Je suis très très déçu de mon Canard sur ce coup. Mais il est encore battu par JM Apathie au « grand journal » de Canal. Lui c’est toutes les fois qu’il parle des écolos, assez souvent en fait, et tout y passe : contre-vérités assénées doctement, données fausses ou datées, jugement « (a)moral », etc.

  • #7

    vivian (lundi, 11 février 2013 11:03)

    « sur 20 personnes qui parlent des écolos, 19 en disent du mal, et la 20 ème qui en dit du bien le dit mal »!

    Rivarol revu par l’écolo du coin coin.

    …Mais mieux vaut qu’on en parle plutôt que rien!

  • #8

    Ecologue (mardi, 12 février 2013 09:39)

    D’accord avec Jef …

    « 4) Les députés écolos ne s’intéressent pas uniquement aux question écologistes stricto-sensu. »

    … sauf que l’écologie, au sens propre du terme, n’est en fait que portion congrue (pour certains, elle est même inexistante !). Alors si l’écologie ne vous intéresse pas : soyez honnête envers les citoyens et changez le nom du parti ! Si non : traitez équitablement de l’environnement …. = EEE LV : Europe Ecologie Equitable – Les Verts

  • #9

    anthropocène (mercredi, 13 février 2013 11:45)

    J’ai lu cet article aussi, mais je ne le trouve pas aussi négatif. En disant que les propositions ne concernent pas essentiellement l’écologie, il met en lumière que « ni le ministère de l’écologie, dirigé par le lobbyiste global Cuneo, ni les députés » ne portent essentiellement les propositions qui vont dans le sens direct de l’écologie. En effet, les députés EELV auront beau prétendre qu’ils débattent à juste titre sur tous les sujets de société, c’est quand même sur les valeurs de l’écologie que les électeurs les ont désignés et les veulent actifs. C’est là, le point d’achoppement. Il y a un désir d’écologie, profond, chez ces électeurs, qui en plus se sentent totalement floués par Hollande et le PS, également floués par les apparatchik d’EELV qui avalent couleuvre sur couleuvre pour rester au gouvernement ou proches des pouvoirs. Ces électeurs, dont moi, veulent voir les députés écolos au charbon sur des problématiques écologiques, comme le font Abeille ou Lambert par exemple.
    Ce désir est d’autant plus important que les électeurs écolos ont massivement voté, à regret, pour Hollande au premier tour, pour éviter ce que l’on sait, et que ce vote ne reçoit rien en retour, au contraire ! jamais on n’a eu autant de frustration, et cet article le rappelle en filigrane.
    L’article ironise sur la temporalité tranquille des verts, mais il a le juste ton de rappeler que les actions parlementaires des élus EELV sont pieds et poings liées au bon vouloir du PS, et celà, il faut que celà soit dit.
    Pour le dire en clair: si les parlementaires écolos ne se projettent pas massivement dans la lutte pour une autre société, un autre monde, ils n’auront pas de soutien populaire aux prochaines élections. Les déceptions, on en a une dose énorme, et on veut de l’action.

  • #10

    Pivert (jeudi, 14 février 2013 15:39)

    Je souscris totalement au message « d’anthropocène » du 13/02, je ne le réécrirai donc pas, et je connais d’autres personnes qui partagent aussi ces opinions.(Proportion bien connue en statistiques politiques: pour une personne qui s’exprime, il y en a bien plusieurs centaines qui pensent la même chose mais n’oseront jamais le dire ou l’écrire…)

  • #11

    rccc (mardi, 26 février 2013 13:49)

    Bonjour,

    Je ferai un commentaire en temps , le premier non pas sur l’article du Canard mais sur les commentaires.

    @Olivier Bertrand, Pierre Laulanné, Jean Collon et Emmanuel Grenier


    Vos commentaires et critiques concernant le Canard enchainé ne sont pas étayés par le moindre exemple, et pourtant c’est ce qu’on apprends à nos élèves de lycée, d’argumenter et de donner des exemples. La critique auait pu être constructive, dommage.

    « Ce n’est hélas pas la première fois qu’en lisant le canard, je constate qu’il tire dans les coins » -> On vous croit sur parole, mais vous avez des élements d’informations à apporter ? no, donc ce commentaire n’est qu’un jugement personnel sans grande valeur heuristique.

    « Bien d’accord avec toi. Quand on connait bien un sujet, on trouve souvent approximations, erreurs factuelles et méconnaissance dans certains articles du canard, quand ce n’est pas tendancieux « , idem, avez vous un exemple d’un sujet que vous maitisez, donct le canad aurait parlé et dont vous auriez pu noter des erreurs factulles ? Ca seraint vraiment constructil si vous pouviez étayer un peu votre jugement( et par là même nousfaire une argumentation ).

    « De façon générale, le Pr Canardeau fait du poujadisme environnemental. « … Quelle belle expression, mais a-t’elle au moins un sens. Vous voulez ainsi dire que l’auteur a un discours populiste vis à vis des questions environnementales ? Hum, c’est bizarre je lis le Canard régulièrement et je n’avais pas remarqué, mais peut être qu’avec des exemples précis je pourrais être en mesure de saisir une réalité qui m’avait échappé jusqu’à présent.

    Deuxièment, pour revenir à l’article, le Canard ne dit pas que les députs verts sont des fénéants, cf le déut du dernier paragraphe : « Soyons équitable, les députés verts travaillent » … Mais il s’agit plus de critiquer la nature de leur activité, ce sur quoi aurait du répondre l’article du groupe EELV à l’assemblée.

    Le tableau fournit ne permets pas de comparer le rapport entre nombre de députés pour chaque groupe et nombre de propositions de lois, donc je le demande, à quoi sert ce tableau, surtout que pour la colonne « propositions », il est mentionné 4 propositions « écrites » et une « orale ». S’agit-il des propositions de loi ? Aucun commentaires des données chiffrées fourniies, mais de qui se moque t’on ici ?

    De même la Canard rigole de la nature des interpellations faites aux gouvernements par les députés verts ( légalisations de l’absynthe, utilisation des chevaux de traits comme moyen de locomotion …). On reste pantois ( Que pense @Jef de la nature de ces questions). Pourquoi le goupe ne répond-il pas directement sur ces points, il n’est pas anormal de se demander su ces interpellations sont constructives ou pertinentes… Mais là dessus, aucune justification des députés, nous avons juste droit a du « les inexactitudes factuelles, les approximations juridiques et les comparaisons ineptes »… Très constructif pour des députés.

    Sinon bien sûr, il n’est pas anormal que des députés verts ne s’occupent pas uniquement que de questions écologiques, mais comme le note le Canard,les questions environnementales ne prennent que (très ) peu de place. Du coup, pourquoi se présenter sous une étiquettes écolo et je souscrit ici au commentaire d’anthropocène).

    Conclusion, les députés s’offusque comme des petites pucelles collégiennes, mais ne répondent pas sur le fond de la question.

    De tout façon, depuis le spectacle désastreux de la course aux marocains, on sait bien ce que valent les verts… DCB a bien eu raison de partir.