RÉMUNÉRATIONS DANS LES CABINETS MINISTÉRIELS : « NOTRE BOUSSOLE, C’EST LA TRANSPARENCE »

Les récentes révélations de la persistance entre 2002 et 2005 de versements en liquide au cabinet du ministre de l’intérieur de l’époque, à hauteur de 10 000 euros par mois et au titre de frais d’enquêtes et de surveillance sont pour le moins choquantes. Elles viennent confirmer la nécessité d’une moralisation de la vie politique et de transparence.  

 

Cette exigence doit s’appliquer aux élus, aux ministres, mais aussi aux collaborateurs ministériels. Il faut combattre l’opacité qui règne sur le nombre, la qualité, le passé professionnel des collaborateurs des ministres, mais aussi leurs parcours postérieurs à leurs fonctions au sein des cabinets ministériels. Il nous faut aussi combattre l’opacité qui prévaut quant à leurs conditions de rémunération. 

 

« Nous devons préparer les mesures qui mettront fin aux dysfonctionnements constatés, et feront le jour sur d’autres sources de dysfonctionnements. » a ainsi déclaré Véronique Massonneau devant l’hémicycle. 

 

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Véronique Massonneau :


L’exigence citoyenne de transparence, de probité et de décence dans les rémunérations du personnel politique, conçu au sens large, n’a sans doute jamais été aussi forte dans notre pays. Et, dans le même temps, jamais sans doute nos concitoyens n’ont été aussi dubitatifs, aussi peu confiants, devant les tentatives d’encadrer et de moraliser les rapports entre l’argent et la vie politique, et devant les mesures prises pour lutter contre les conflits d’intérêts.

 

Ces deux phénomènes, conjugués, sont potentiellement explosifs. Ils sapent en effet le pacte républicain qui est fondé sur la confiance entre les citoyens et leurs représentants. Cela doit nous amener à faire preuve de retenue et de précision dans nos prises de parole.

 

Nous ne sommes pas ici ce soir pour jeter l’anathème sur les collaborateurs ministériels, qui sont indispensables au bon fonctionnement de nos institutions, font preuve d’un engagement et de compétences la plupart du temps remarquables. Les errements et la légèreté avec laquelle quelques-uns d’entre eux se sont conduits par le passé ne doivent pas nous conduire à les clouer au pilori au cours de nos débats.

Nous ne sommes pas plus réunis ici pour répandre l’idée que la classe politique française serait, dans son ensemble, corrompue ou corruptible. Nous sommes réunis ici pour faire évoluer les pratiques, les comportements, au moyen de la loi et de la réglementation, afin que le soupçon recule et que les fautes commises soient poursuivies et sanctionnées. C’est dans cet esprit que les écologistes abordent ce débat : sans démagogie populiste, mais avec lucidité, et avec la volonté déterminée de mettre fin aux conflits d’intérêts, patents ou potentiels.

 

Notre discussion est inspirée – j’allais dire imposée – par des révélations qui révulsent nombre de nos compatriotes et les poussent à s’interroger. Ces révélations ont montré la persistance, entre 2002 et 2005, de versements en liquide au cabinet du ministre de l’intérieur de l’époque, à hauteur de 10 000 euros par mois et au titre de frais d’enquêtes et de surveillance. Cela a de quoi révolter.

Mais je ne crois pas qu’il soit utile, et encore moins fructueux, que notre assemblée se contente de commenter de tels faits. La justice en est saisie : qu’elle fasse son travail. L’administration en est consciente : qu’elle en tire les conséquences.

 

Non, nous ne sommes pas réunis ici pour commenter, mais pour réparer. Nous devons préparer les mesures qui mettront fin aux dysfonctionnements constatés, et feront le jour sur d’autres sources de dysfonctionnements.

 

Notre débat, ce soir, ne peut donc pas être disjoint de l’examen des textes sur la moralisation de la vie politique que nous aborderons prochainement. Et en ces domaines, le maître mot des écologistes, notre boussole, c’est la transparence. La transparence n’est certes pas tout, mais elle est la condition de tout le reste, car la méfiance, voire la défiance, de nos concitoyens se nourrit de l’opacité. C’est par la transparence que nous commencerons à repriser le tissu républicain, distendu et usé par les trop nombreuses affaires qui rythment notre vie publique.

 

Lorsqu’on veut imposer une règle, pour être crédible, pour être légitime, il faut se l’appliquer à soi-même. La transparence doit porter sur la situation personnelle des élus, leur patrimoine, leurs revenus, l’utilisation qu’ils font de leurs frais de fonctionnement, l’identité de leurs collaborateurs, leur réserve parlementaire : nous avons déjà dit ce que nous en pensons. Nous nous sommes, pour notre part, appliqué ces règles à nous-mêmes. Lors de l’examen de ces textes en séance, les écologistes évoqueront à nouveau les points sur lesquels les travaux de la commission ont abouti à des reculs.

L’exigence de transparence doit s’appliquer aux élus, aux ministres, mais aussi – j’y viens – aux collaborateurs ministériels. Ce qu’il nous faut combattre, c’est l’opacité qui règne sur le nombre, la qualité, le passé professionnel des collaborateurs des ministres, mais aussi leurs parcours postérieurs à leurs fonctions au sein des cabinets ministériels. Il nous faut aussi combattre l’opacité – puisqu’on nous y invite ce soir – qui prévaut quant à leurs conditions de rémunération.

 

Je salue l’attitude du Gouvernement, et plus particulièrement celle du ministre de l’intérieur, qui ont commandé un rapport dès que des doutes sont apparus suite aux révélations sur le cas spécifique de Claude Guéant, afin de faire la lumière sur cette affaire singulière. Cette attitude tranche heureusement avec le passé. Les conditions de publication des informations sur la composition des cabinets ministériels et la rémunération de leurs membres ont également évolué vers plus de transparence. Bref, nous avançons dans notre quête de la transparence, mais nous ne sommes pas au bout du chemin !

Depuis que Lionel Jospin a décidé de mettre fin à la pratique détestable des fonds secrets, depuis que l’administration a précisé les conditions d’utilisation des frais d’enquête et de surveillance du ministère de l’intérieur, il n’y a plus de doute sur la conduite à tenir : tout versement en liquide non déclaré à des membres de cabinets ministériels est une aberration. De ce point de vue, j’aurais tendance à dire de manière un peu provocante que le versement de primes en liquide à des membres de cabinets ministériels ne se débat pas : il se combat.

 

Si notre débat, ce soir, consiste à s’envoyer à la figure des nombres ou des noms de conseillers ministériels, alors il ne servira à rien. Mais s’il permet de poser quelques questions qui nourriront nos prochains travaux législatifs, alors il sera utile. Il ne s’agit pas seulement de se demander qui est concerné, ni combien de collaborateurs compte un cabinet, ni à quelle hauteur ils sont rémunérés : il s’agit avant tout de savoir comment assurer l’indépendance de ces collaborateurs dans l’exercice de leurs fonctions, comment les mettre à l’abri des situations de conflits d’intérêts.

 

Nous avons tous appris récemment les assauts d’attention de l’industrie du tabac envers certains d’entre nous, mais également auprès de collaborateurs ministériels ou de hauts fonctionnaires. L’Assemblée et le Sénat ont imaginé des dispositifs, sans doute perfectibles, en matière de groupes d’intérêts : création de postes de déontologues, mise en place de conditions d’accès spécifiques, tenue d’un registre… Ne pourrait-on étendre cette logique aux services de l’État et aux collaborateurs ministériels ? Voilà une question qui méritera qu’on s’y arrête.

 

De même, à notre sens, la question des trajectoires professionnelles doit être réexaminée. Les dispositions actuellement en vigueur en matière de réorientation professionnelle à la sortie d’un cabinet ministériel sont-elles suffisantes ? Je ne le crois pas. Le débat que nos collègues ont décidé de provoquer ce soir est donc beaucoup plus vaste que la simple question qu’il est censé recouvrir. Il doit être permanent, et irriguer les travaux que nous mènerons lors des débats législatifs à venir.

 

Nous ne pouvons que nous réjouir de voir enfin ces questions sur la table. J’espère que le Gouvernement reprendra à son compte les deux pistes d’action que je viens d’évoquer : la réglementation des lobbys d’une part, et celle des trajectoires professionnelles des collaborateurs ministériels, d’autre part. Mais n’oublions pas une chose : le vrai rendez-vous, sur ces questions essentielles de transparence et de moralisation de notre vie politique, ce n’est pas ce débat. Le vrai rendez-vous, ce sera celui des modifications législatives que nous examinerons dès la semaine prochaine et qui devront prendre en compte la question des cabinets ministériels.

Le vrai rendez-vous, ce sera celui de l’action. 

 


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