Bien que rejetée par l’Assemblée, la proposition de loi sur l’allongement des délais de prescription pour les agressions sexuelles a reçu le soutien des écologi

Adoptée au Sénat, la proposition de loi centriste était examinée par l’Assemblée : il s’agissait de prendre en compte la spécificité des effets des agressions sexuelles sur les victimes, qui conduisent souvent à une prise de conscience et à des plaintes tardives, en augmentant le délai de prescription des faits. Malgré le soutien au texte exprimé par Véronique Massonneau, le groupe socialiste a repoussé la proposition, au profit d’une future réforme globale des durées de prescription. 

Notre Assemblée est invitée à se prononcer aujourd’hui sur un texte de loi qui touche à la dure réalité que vivent malheureusement certains de nos concitoyens, peut-être même certains d’entre nous.


En tant que législateurs, nous avons bien sûrs à assoir nos choix sur des considérations politiques, afin de tenir une ligne cohérente et claire pour les Françaises et les Français qui nous regardent. Sur des considérations techniques aussi, afin que la loi que nous contribuons à écrire respecte notre constitution et les valeurs de notre République.


Mais ces considérations ne doivent pas nous faire oublier les réalités humaines que notre droit accompagne. Les débats autour de ce texte ont soulevé quelques réticences de la part de certains collègues, des réticences légitimes d’un point de vue technique ou politique :


En effet, les délais et les conditions de la prescription ont été plusieurs fois modifiés, que ce soit par le législateur ou par des arrêts de la Cour de cassation. Alors oui, il sera peut être nécessaire de remettre à plat l’ensemble des délais de prescription et permettre alors une plus grande clarté quant à leur utilité et leurs usages, que ce soit pour le magistrat ou la victime. C’est pour cela que nous saluons la création d’une mission d’information transpartisane que conduiront Alain Tourret et Georges Fenech.


Mais l’adoption de cette proposition de loi, chers collègues, n’empêchera pas de mener à bien une telle réforme. Le groupe écologiste a donc choisi d’examiner ce texte en tenant compte des réalités des victimes. Car il est des réalités humaines qui ne peuvent attendre une réforme générale des délais de prescription.


Pourrait-on refuser ce texte au prétexte qu’une victime d’agression sexuelle serait soumise aux mêmes délais de prescription qu’une victime de crime de guerre ? 

 

L’allongement du délai de prescription qui nous est proposé n’a pas pour but d’accentuer le caractère délictueux de l’agression sexuelle. Il n’a pas pour but non plus de placer sur le même plan de gravité l’agression sexuelle et le crime de guerre, comme certains débats techniques peuvent parfois le laisser entendre. Il a pour but de reconnaitre le traumatisme des victimes. Prendre en compte la honte qu’elles ressentent souvent et qu’elles doivent surmonter. Reconnaître la douleur, le déchirement qu’elles vivent lorsqu’il faut déposer plainte contre son père, son oncle ou son frère.


Ces femmes, ces hommes, ces enfants, doivent trouver le temps de se reconstruire avant de pouvoir parfois accepter cette blessure, accepter de vivre avec, accepter d’en parler. La justice doit intégrer dans son fonctionnement ce temps de reconstruction personnelle, et ne pas fermer la porte à ces victimes au prétexte que ce temps douloureux aurait trop duré.

 

Les professionnels de santé le disent : l’amnésie post-trauma est longue, particulièrement quand les violences ont lieu dans l’enfance. Et les chiffres sont accablants : la majorité des agressions sexuelles concernent des enfants, soit près de 150 000 cas par an, la plupart du temps dans le cadre familial. Ces éléments font de l’agression sexuelle et du viol des infractions particulières, qui demandent légitimement un délai de prescription suffisamment long. Les victimes ont besoin d’être reconnues comme telles. Aujourd’hui certaines peuvent être entendues en qualité de simple témoin. Si elles peuvent témoigner dans une procédure à l’encontre de leur agresseur engageant une autre victime, elles ne peuvent faire valoir leur droit légitime à réparation. Vous comprendrez comme moi que cela est difficile pour ces personnes qui parlent parfois de « double peine ».


Certes un allongement des délais de prescription risque de compliquer l’action de la justice qui sera alors amenée à se prononcer sur des faits datant parfois de plusieurs décennies. Les souvenirs de la victime sont plus flous et les preuves s’estompent.


Mais qui préfère refuser une plainte au motif que l’enquête est trop délicate à mener plutôt que de tenter de répondre aux attentes d’une victime ?


On ne peut pas, au nom du risque de non-lieu,  accepter que des crimes restent impunis ou non passibles de poursuites.

Alors mes chers collègues, refusons de remettre à plus tard l’allongement de ces délais de prescription alors que des victimes attendent cette mesure. Ne nous dédouanons pas aujourd’hui sur ce texte, au nom d’un éventuel « mieux » à venir. Si vous concevez comme moi, chers collègues, que le mieux est parfois l’ennemi du bien, alors vous vous autoriserez à voter ce texte, comme le groupe écologiste vous invite à le faire.



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