BANQUE PUBLIQUE D’INVESTISSEMENT : « L’AUDACE DOIT ÊTRE AU RENDEZ-VOUS »
Alors que l’Assemblée Nationale vient d’entamer l’examen du projet de loi visant à créer la Banque Publique d’Investissement (BPI), les écologistes rappellent que cette loi doit avant tout répondre aux défaillances du système bancaire classique, condition sine qua non du redressement de notre économie.
Comme l’a justement rappelé François de Rugy, coprésident du groupe écologiste : « la crise environnementale est là. Elle nourrit la crise économique. Cette banque publique que nous créons aujourd’hui, ce n’est pas une banque de plus. Ce n’est pas simplement une banque qui permettra juste à notre économie et à nos entreprises de traverser une mauvaise passe pour recommencer ensuite comme avant, car rien ne sert de chercher « la croissance d’avant », alors que les conditions mêmes de la croissance ont changé. »
François de Rugy :
La Banque publique d’investissement est un outil indispensable dont notre pays se dote pour accompagner les entreprises dans leur développement. Le financement est souvent une question majeure. Lors d’un colloque auquel je participais à l’instant, le président de la confédération générale des PME insistait encore sur l’importance du financement des entreprises et de l’économie. C’est aussi un élément central pour la mise en œuvre d’une véritable stratégie économique et industrielle.
L’outil de financement était attendu par les entreprises. Parce que les banques classiques ont parfois failli, parce qu’elles sont aujourd’hui légitimement contraintes par des règles prudentielles renforcées, les fameuses règles de Bâle III, mais aussi et surtout parce qu’elles continuent de considérer que les activités de spéculation rapides sont plus attractives que le lent et patient travail de financement de l’économie réelle, il fallait agir, il fallait réagir.
Avec une capacité d’investissement de 40 à 70 milliards d’euros, nous pouvons raisonnablement dégager une partie des moyens qui manquent aujourd’hui à nos entreprises, avec un effet de levier qui pourrait nous faire aller bien au-delà. Dans le débat que nous avons eu, et que nous n’avons pas fini d’avoir, sur la compétitivité des entreprises, nous tenons là un facteur essentiel, car l’adaptation indispensable de notre outil productif à la concurrence n’est pas simplement une question de coûts de production, et notamment de coûts salariaux. Cela demande des investissements, qui se font par autofinancement, certes, et le taux de marge des entreprises est un élément important, mais également par le recours au crédit. Ce recours au crédit étant en grande partie défaillant, la Banque publique d’investissement peut être en mesure de répondre au problème, à plusieurs conditions, que le texte qui nous est soumis rend justement possibles.
D’abord, l’audace doit être au rendez-vous. Il y a quelque contradiction à constater que, au-delà des discours sur les risques individuels et la nécessité de ne pas s’accrocher à des situations acquises, discours classiques des libéraux, les banques, qui sont souvent les porte-parole les plus virulents du libéralisme économique, sont sans doute les organismes les moins disposés à accompagner le risque et à encourager l’audace entrepreneuriale. Répondre aux défaillances du système bancaire classique, prendre des « risques stratégiques » en faveur de projets d’avenir et non pas seulement à la lecture de ratios comptables et financiers synonymes d’un retour sur investissement garanti, voilà la première mission de la Banque publique d’investissement.
Les entrepreneurs que nous rencontrons dans nos circonscriptions, qui ont des projets de développement, qui veulent se réorienter sur de nouvelles activités ou de nouveaux modes de production, et qui se heurtent au refus parfois difficilement compréhensible de leurs banques, savent de quoi nous parlons. Ce que nous disent ces acteurs économiques, ce n’est pas seulement que le crédit est rare, c’est aussi qu’ils n’en peuvent plus d’être ballottés d’organismes privés en organismes publics, et que leur métier c’est de diriger leur entreprise, pas d’être des chasseurs de capitaux. Ils demandent des dispositifs clairs, des structures accessibles, et non une complexification du millefeuille dans lequel ils tentent de trouver le bon interlocuteur.
En ce sens, la BPI doit constituer un guichet unique, au plus près de la réalité des territoires. Les Régions, mieux que quiconque, connaissent les enjeux du tissu économique local. Leur association, ainsi que celle des organismes consulaires, est une condition de la réussite de la BPI. La BPI doit être un outil bancaire audacieux, et dans ses choix d’accompagnement de projets économiques et dans ses logiques de fonctionnement. À la force des financements doit correspondre une réactivité sans faille, parce que les besoins de financement de nos entreprises, qu’elles soient confrontées à des contraintes subites ou à des opportunités à saisir, ne peuvent pas être soumis à des délais d’instruction des dossiers trop longs.
Des fonds disponibles et rapidement mobilisables, une souplesse dans le mode de fonctionnement, une proximité du terrain : la Banque publique d’investissement doit aussi se doter d’un cap. En ce sens, nous ne pouvons que nous féliciter que l’accompagnement des entreprises dans la transition écologique et énergétique soit, pleinement et explicitement, un objectif de la Banque publique d’investissement. Cela fait d’ailleurs écho à la déclaration du Président de la République à la Conférence environnementale.
J’entendais hier, dans un débat budgétaire, notre collègue de l’opposition Charles de Courson s’offusquer de la volonté des écologistes de faire figurer systématiquement la notion de transition écologique et énergétique dans les dispositifs que notre majorité met en œuvre pour soutenir le développement des entreprises. Il s’agirait, nous disait-il, d’une « novlangue », et il s’interrogeait : « Allons-nous devoir supporter en permanence cette mention de la transition écologique ? » Eh bien, j’ai envie de lui répondre – il n’est pas là mais cela pourra lui être rapporté : la réponse est oui. Et ce non pas parce que les écologistes auraient succombé à la tentation de transformer les textes législatifs en une sorte de litanie et de psalmodier je ne sais quelles formules magiques de la religion verte que l’on aime dénoncer dans l’opposition, mais parce que nous souhaitons que toutes les interventions publiques, tous les choix de développement économique soient examinés au regard de la crise environnementale, parce que nous voulons que les financements soient orientés afin d’accompagner les entreprises dans une transition qu’elles peuvent choisir, pour en faire des opportunités, plutôt que de devoir les subir comme des contraintes, souvent trop brutalement et souvent trop tard. Notre collègue Jean-Marc Germain vient de réagir, quand j’ai parlé de la crise environnementale, en ajoutant : « et sociale ». Les deux sont intimement liées et ne peuvent être dissociées. C’est bien pourquoi nous les rappelons conjointement dans les objectifs de la BPI.
La crise environnementale est là. Elle nourrit la crise économique. Cette banque publique que nous créons aujourd’hui, ce n’est pas une banque de plus. Ce n’est pas simplement une banque qui permettra juste à notre économie et à nos entreprises de traverser une mauvaise passe pour recommencer ensuite comme avant, car rien ne sert de chercher « la croissance d’avant », alors que les conditions mêmes de la croissance ont changé.
Cette banque publique permettra à notre économie et à nos entreprises de s’adapter aux nouvelles donnes technologiques et de répondre au défi de la compétitivité, en repensant leurs procès de production, leurs produits, leurs modes d’organisation ; mais aussi, mais surtout, de mettre leurs modes de production et de consommation en phase avec les impératifs écologiques. Cet impératif n’est pas une option : il s’appliquera, il s’applique déjà à tous les acteurs économiques, parce que notre pays, parce que l’Europe ont pris des engagements sur les émissions de CO2 qui passent par des transitions et des transformations industrielles. Nous en sommes aujourd’hui à plus de cinquante gigatonnes par an alors que l’objectif fixé par le dernier rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement est de quarante-quatre gigatonnes en 2020.
Que pour la première fois un outil financier soit mobilisable pour passer ces caps et réorienter l’activité industrielle, nous ne pouvons que nous en féliciter. J’entendais tout à l’heure notre collègue Michel Zumkeller dire : « Vous créez un couteau suisse à 42 milliards qui devrait tout à la fois réindustrialiser la France, assurer la transition énergétique et développer des activités plus respectueuses de l’environnement. » Cela sonnait dans sa bouche comme une critique. Eh bien, pour les députés écologistes que nous sommes, je pense en particulier à Éric Alauzet et Eva Sas qui ont contribué directement à l’amélioration de ce texte lors des précédentes lectures, ce que reproche M. Zumkeller à la BPI en fait précisément la force. Parce que ce qu’il a cité là, ce ne sont pas trois objectifs indépendants les uns des autres, mais bien un seul et même défi, un défi que la BPI permettra d’aborder avec efficacité, espérons-le. C’est notre ardente volonté. C’est pourquoi les députés écologistes soutiennent ce texte, son contenu, son mode d’élaboration et ses objectifs.
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